Un récent jugement du Juge Ritchie de la High Court of Justice, Parry v Johnson and Another [2022] EWHC 889 (QB), fournit une illustration intéressante de la façon dont la négligence du conducteur et celle de la victime piétonne sont analysées par les juges en Angleterre. Pour rappel, dans ce pays, le piéton victime d’un accident de la route doit prouver la négligence du conducteur, et peut se voir opposer sa propre négligence contributive et voir son indemnisation réduite en proportion de celle-ci.
Cette affaire concernait un accident de la circulation survenu le 13 août 2019 entre un tracteur et un piéton marchant sur le bas-côté de la route. Ce jour-là, vers 21 heures, M. Parry (le demandeur) marchait avec sa femme sur le bas-côté d’une route de campagne. M. Johnson conduisait un tracteur auquel était attachée une machine à semer non éclairée qui dépassait de 30 centimètres de chaque côté du véhicule. Lorsque le tracteur s’est approché du demandeur et de son épouse, ces derniers se sont mis sur le bas-côté afin d’éviter le tracteur, mais la machine à semer les a percutés au passage. M Parry a été gravement blessé.
Il a engagé un recours en indemnisation et a allégué que le conducteur :
Les défendeurs, M. Johnson et son assureur, ont nié toute négligence au motif qu’aucune autre mesure n’aurait pu être prise. Les défendeurs ont également affirmé que le demandeur avait contribué par sa propre négligence à l’accident en n’étant pas assez visible, en ne faisant pas face au tracteur et en portant des vêtements sombres.
Afin de déterminer s’il y avait une quelconque négligence contributive de la part du demandeur, le juge s’est penché sur trois questions : (i) si le demandeur était visible ; (ii) si la conduite du premier défendeur était appropriée et enfin (iii) sur l’évaluation du comportement du demandeur sur la route.
Pour ce faire, le juge a examiné toutes les preuves de fait disponibles, y compris les témoignages, les rapports d’experts (notamment d’un expert en reconstitution d’accident) et les éléments fournis par la police.
Le juge a rappelé dans son jugement les dispositions légales pertinentes à appliquer aux faits :
» S.1 Répartition de la responsabilité en cas de négligence contributive « .
(1) Lorsqu’une personne subit un dommage résultant en partie de sa propre faute et en partie de la faute d’une ou plusieurs autres personnes, une demande relative à ce dommage ne doit pas être rejetée en raison de la faute de la personne qui subit le dommage, mais les dommages-intérêts recouvrables à cet égard doivent être réduits dans la mesure où le tribunal estime que cela est juste et équitable compte tenu de la part de responsabilité du demandeur dans le dommage…« .
» Le manquement d’une personne au respect d’une disposition du Code de la route n’entraîne pas en soi la responsabilité pénale de cette personne, quelle qu’elle soit, mais ce manquement peut, dans le cadre d’une procédure (civile ou pénale), être invoquée par toute partie à la procédure comme tendant à établir ou à infirmer toute responsabilité qui est en cause dans cette procédure. »
« En droit, les conducteurs de voitures et d’autres véhicules à propulsion mécanique, comme les tracteurs, ont un devoir de prudence envers les piétons qui se trouvent sur la chaussée lorsque la voiture est sur la route. En ce qui concerne les conducteurs de véhicules tractant des équipements dangereux, non éclairés, qui surplombent les trottoirs et les accotements herbeux, ce devoir est dû à tous les piétons se trouvant à proximité sur les trottoirs et les accotements herbeux qui peuvent être affectés de manière prévisible par le surplomb. «
Dans son jugement, le juge Ritchie s’est prononcé en faveur de la victime, a fait droit à sa demande et a rejeté toute allégation de négligence contributive.
Compte tenu de tous les éléments de preuve mentionnés ci-dessus, le juge a estimé que, vu les circonstances, M. Johnson aurait dû rouler une vitesse beaucoup plus faible et aurait également dû allumer les feux de route. Cela lui aurait donné le temps de voir les piétons. Il convient également de noter que M. Johnson a fourni différentes versions des événements à plusieurs reprises, ce qui n’a pas convaincu le juge.
Le juge a également considéré que le demandeur et son épouse étaient visibles, voyants et discernables pour tout conducteur raisonnablement prudent. (Ils portaient des vêtements de couleur claire).
Ce jugement fournit un exemple particulièrement remarquable de l’approche diamétralement opposée du droit anglais et du droit français en matière d’accident de la circulation impliquant un piéton. Un tel débat, sur la possible responsabilité d’un piéton qui marche sur le bas-côté de la route, serait tout simplement inimaginable devant un tribunal français.
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