Depuis le départ définitif du Royaume-Uni de l’Union Européenne le 31 décembre 2020, le Règlement (UE) n° 1215/2012 sur la compétence judicaire, la reconnaissance et l’exécution des jugements en matière civile et commerciale (la refonte de Bruxelles 1) a cessé de s’appliquer. En matière de compétence, un demandeur domicilié au Royaume-Uni qui cherche à signifier une assignation sur un défendeur étranger pour un procès en Angleterre devra dorénavant s’appuyer sur la Common Law. Ainsi, le demandeur devra démontrer au tribunal :
En ces temps incertains, les défendeurs peuvent être tentés de contester la compétence juridictionnelle. Mais à quel coût ?
La décision récente dans l’affaire Abu Dhabi Commercial Bank PJSC v Shetty &Ors [2022] EWHC 1020 (Comm) démontre le danger d’adopter une démarche déraisonnable.
Cette affaire concernait une réclamation suite à une fraude d’une valeur de plus de 1 Milliard de Dollars (USD). Le demandeur (Abu Dhabi Commercial Bank PJSC) alléguait une fraude massive au sein de NMC Plc, sa principale filiale située aux Émirats Arabes Unis, NMC Healthcare Plc et ses autres filiales (collectivement « Le Groupe »). L’activité du Groupe était l’exploitation d’établissements médicaux privés, principalement aux Émirats Arabes Unis. Les quatre premiers défendeurs étaient les actionnaires majoritaires de NMC Plc et/ou les dirigeants ou cadres supérieurs du Groupe.
L’assignation fut lancée devant la Haute Cour de Justice d’Angleterre et Pays de Galles. Les quatre premiers défendeurs ont contesté la compétence juridictionnelle et plaidé que les trois exigences ci-dessus n’étaient pas remplies selon la Common Law ; le Juge Pelling QC a conclu ce qui suit :
– Il y avait bien un litige sérieux à trancher entre le demandeur et chacun des défendeurs
– Le premier défendeur avait reçu signification de l’assignation dans les formes et que, par conséquent, les demandes à l’encontre des autres défendeurs remplissaient les conditions de la passerelle (Gateway) nécessaire et adéquate.
Cependant, le juge a estimé que les tribunaux d’Abu Dhabi étaient le forum le plus approprié pour juger le litige. La demande a donc été suspendue et les défendeurs vainqueurs ont réclamé le remboursement de leurs frais et honoraires liés à la contestation de compétence juridictionnelle.
Les principes applicables en matière de recouvrement d’honoraires se trouvent dans la section 44.2(2) du CPR ; (a) La règle générale est que la partie déboutée sera condamnée à payer les honoraires de la partie gagnante ; mais (b) la cour peut décider autrement.
En vertu de la section 44.2(4) CPR, » En décidant de l’ordonnance à rendre (le cas échéant) au sujet des honoraires, le tribunal prend en considération toutes les circonstances, y compris :
Dans le cadre de CPR 44.2(6), “ (6) Les décisions que le tribunal peut rendre en application de la présente règle incluent une décision selon laquelle une partie doit payer –
En cas de contestation de la compétence juridictionnelle, un défendeur peut être tenté d’avancer des arguments sur les trois exigences susvisées, afin de dissuader le demandeur de poursuivre sa demande, ou pour augmenter ses chances de voir le Tribunal se déclarer incompétent. C’était clairement le cas dans cette affaire.
Mais le juge a déclaré :
« Un défendeur qui a gagné sur l’un des arguments mais a perdu sur les deux autres ne doit pas s’attendre à recouvrer l’intégralité de ses honoraires liées à la contestation de la compétence juridictionnelle:
Dans cette affaire, je suis entièrement convaincu que les défendeurs ont eu gain de cause et qu’ils ont donc, en principe, le droit de recouvrer au moins une partie des honoraires engagés sur la contestation de compétence. Cependant, comme je l’ai dit, cette contestation de compétence reposait sur trois véritables questions, les défendeurs ayant échoué sur deux d’entre elles ».
Le juge a donc décidé que la solution la plus adéquate en l’occurrence était « de statuer que chacun des défendeurs récupère un tiers de ses honoraires de la contestation de la compétence juridictionnelle« .
Les défendeurs, ainsi que les demandeurs, doivent être conscients que le fait de minimiser les points de contestation et de faire des concessions raisonnables représente la meilleure façon d’éviter toute déception en matière de recouvrement des honoraires.
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